« OASIS RÉUNION »
Soutien d’Olivier De Schutter
ancien Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation
co-président du Panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables IPES-Food
« Nourrir la Terre pour nourrir les Hommes »
Utopique, le projet « Oasis Réunion » l’est sans doute. Mais il ne l’est pas au sens où cette utopie serait de l’ordre du fantasme, de l’inatteignable, et donc inutile à nourrir l’action. Son utopisme part d’une réalité concrète, celle d’une île dont la beauté naturelle constitue l’atout majeur, dont la biodiversité est encore exceptionnelle, et dont l’identité même dépend de ce que celle-ci et celle-là soient préservées. Dans d’autres régions, j’ai pu voir combien la beauté des paysages et la prise de conscience, par les habitants du territoire, de la fonction de ceux-ci dans le vivre-ensemble a pu aider à constituer le sens même de la communauté, participer donc à la création de liens sociaux et à la construction même de l’action collective. « Oasis Réunion », en ce sens, est une opportunité à saisir pour que l’identité de l’île soit redéfinie, et pour que ses habitants et les pouvoirs publics se focalisent sur la mission de réaliser cette utopie concrète.
La sortie de l’agriculture chimique et le passage à ce que Bernard Astruc appelle l’agrobiologie — qui n’est pas très éloignée de l’agroécologie que je défends pour ma part — est urgente. L’urgence n’est pas seulement environnementale. Des études de plus en plus nombreuses convergent pour mettre en avant les liens entre la diversité dans l’agriculture et la diversité dans l’alimentation, et pour souligner les liens entre une agriculture respectueuse des écosystèmes et une agriculture qui nourrit les hommes et les femmes. A la diversité dans les parcelles correspond la diversité nutritionnelle, et la santé des sols a des répercussions directes, mesures, sur la qualité nutritionnelle des aliments. Or, de même que la biodiversité réunionnaise est menacée aujourd’hui, la santé de ses habitants est mise en danger par le repli sur une alimentation trop riche, comprenant trop d’aliments transformés — à forte teneur en calories mais à faible teneur en micronutriments essentiels, et surtout peu équilibrée. Les taux de surpoids et d’obésité, les maladies non transmissibles, dont le diabète, qui y sont liées, relèvent typiquement de la double peine: après avoir menacé l’environnement, l’agriculture chimique menace la santé. Il faut y résister, et cette résistance peut être un projet auquel la communauté des Réunionnais peut adhérer et dans lequel elle peut se reconnaître.
Enfin, si « Oasis Réunion » vient à son heure, c’est aussi parce que l’agriculture et l’alimentation ne sont pas seulement affaire de lien avec les écosystèmes et ne satisfont pas seulement à des besoins physiologiques: elles touchent aussi aux liens entre les personnes et sont affaire de culture et de civilisation. Un des miracles de la Réunion, c’est bien d’avoir réussi à faire coexister, dans un climat de paix et de tolérance, des personnes d’origines et de croyances religieuses si diverses. Le projet « Oasis Réunion », s’il peut être conçu de manière participative et si chacun des habitants de l’île peut s’en sentir dépositaire et co-responsable, peut encore renforcer cette convivialité et la solidité des liens qui caractérisent le territoire et contribuent à sa résilience.
C’est, pour lui, le vœu que je forme.
Olivier De Schutter est professeur à l’Université catholique de Louvain.
Il a été entre 2008 et 2014 le Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation www.srfood.org/fr
Il est à présent co-président du Panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables IPES-Food www.ipes-food.org
Il est également membre du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU.
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