vendredi, 08 juin 2018 13:26

PAYET Patrice

« OASIS RÉUNION »

Soutien de Patrice PAYET,

Un Réunionnais qui aime ses racines multiples et qui a confiance
Directeur du Conservatoire d’Espaces Naturels de La Réunion

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            L’île de La Réunion, avant d’entendre les premières voix humaines sur son sol, était déjà l’esquisse avancée d’un paradis. Elle en a l’allure, les parures, l’odeur et le goût…il ne lui en a manqué « que » le destin ! En effet, depuis sa première occupation, cette terre-théâtre a longtemps entendu la fureur de la domination esclavagiste. L’époque coloniale post-abolitionniste a continué de tisser l’incapacité dans les consciences de ceux dont les bras et le dos portaient l’économie de la monoculture coloniale.

            Entre la soumission apprise et l’ignorance organisée, nous étions devenus un peuple de travail forcé, alors que nos connaissances agronomiques et nos pratiques culturales instinctivement aiguisées, nous permettaient de retirer de notre sol une richesse alimentaire suffisante. Un homme qui assure en autonomie sa nourriture vitale est potentiellement un homme caressé par l’émancipation et la responsabilité ; mais la colonie était un cadre où cette promesse, combattue par nature, s’évaporait dans les impossibles.

            Après la Seconde Guerre mondiale, l’agriculture réunionnaise mimera, toute proportion gardée, celle de la mère-patrie, en y recourant notamment à l’agrochimie, et au machinisme, dans un contexte de monoculture cannière. Personne ne serait légitime à en faire le reproche aux agriculteurs locaux, car ce modèle a toujours été perçu et enseigné comme LA solution. En effet, il a eu le mérite de vouloir répondre aux nécessités d’une époque. A présent, notre monde change, des menaces nouvelles contre le vivant se multiplient…les enjeux mutent ! L’état de santé de la population de l’île nous commande d’agir. Une bonne nouvelle : La Réunion du 21è siècle peut devenir cet espace-temps qui réserve un sort digne aux femmes et hommes qui savent faire jaillir du sol tous les nutriments savoureux et indispensables à la santé de toutes les formes du vivant. Nos outils fondamentaux sont là : l’intelligence, l’énergie, l’attention, l’observation, la réflexion, l’intention et …l’amour ! Pour peu que notre sagesse nous conduise à accueillir la main tendue par notre alliée de toujours : notre précieuse forêt … qui ne demande qu’â être accompagnée et imitée.

            Ne nous trompons pas sur la nature du manifeste OASIS REUNION, initié et co-animé par Bernard ASTRUC. Il n’a pas pour vocation d’être un projet global ficelé et écrit de la « métropole », pour répondre aux défis d’une société réunionnaise fortement scarifiée par les effets de la mondialisation. Sa force réside dans le partage généreux des convictions universelles, des briques essentielles, et des solutions expérimentées par l’humanité à plusieurs visages. C’est une invitation qui crie le bon sens et la cohérence !

            L’objectif est que la terre réunionnaise assume à nouveau sa responsabilité vivrière par une méthode complètement naturelle, et protectrice du vivant, allant du sol au ciel !

            Tout reste donc encore à faire : et c’est une chance ! Désormais, il appartient aux Réunionnais, dans leur diversité culturelle aussi exemplaire que singulière, de tenir le stylo du destin, pour écrire l’avenir de ce volcan cultivable. Il ne s’agit surtout pas de rejeter l’apport des autres… bien au contraire ! Les soutiens locaux, nationaux et internationaux sont une grâce. Cette conjugaison nous oblige, et sa réussite implique que la parole libérée des acteurs réunionnais soit simplement respectée : non une parole caution, mais un verbe entendu comme l’expression légitime  d’un essaim d’âmes qui dit son envie de société avec la vibration de son cœur. Cela, dans le respect d’un long travail savamment initié par nos ascendants, déjà  porteurs d’une logique agro-écologique.

            Là, il y a un enjeu de dignité qui, à terme, aura la vertu de redonner ce qui n’aurait jamais dû nous quitter : la confiance en nous ! Toute société, notamment celle construite dans la matrice coloniale, ne peut pas vivre un développement humain abouti, si ses enfants ne l’ont pas rêvé, et n’apprennent pas à le penser, puis à le conduire. C’est à ce prix que l’humain apprend la station debout. Loin de faire injure à l’unité républicaine, dire cela, c’est précisément consolider les appuis locaux d’une certaine idée de la nation. Car la nation se consolidera sur des responsabilités et intelligences locales.

            A La Réunion, le pire serait que ce manifeste se trompe de « combat », car le cœur de la mission est de promouvoir une cause, la santé, dans le respect du vivant… et non de combattre des acteurs. Autrement dit, notre énergie servira POUR et non CONTRE. A La Réunion, l’agriculture de la santé ne se fera pas uniquement avec des « bios » qui seraient les gardiens du « bien », contre les « conventionnels » , voire « raisonnés », qui seraient l’incarnation du « mal » ! Ce manichéisme serait trompeur car simpliste. Nous tous, ensemble, avec discernement, pouvons et devons dialoguer, nous comprendre, reconstruire la confiance, pour réfléchir au destin collectif. Même si cela devait passer par une phase classique d’incompréhension, cet exercice incontournable est devant nous. Naïveté ? Ma conviction lucide est que les acteurs réunionnais sont désormais capables de transcender les contradictions apparentes, pour s’entendre sur ce qui conditionnera notre survie, d’abord sur le plan vital, mais aussi économique, sociétal et culturel.

            Le génie réunionnais recèle des surprises résilientes, et l’histoire nous le montre quotidiennement. Sur ce chemin, un cortège d’atouts jalonnent notre voyage : la diversité de notre patrimoine naturel indigène et endémique, l’arbre, l’oiseau, l’insecte, l’eau pure de nos rivières, la majesté de nos paysages, l’océan Indien et ses pays,  sans oublier la manière réunionnaise de faire peuple et de faire respirer paisiblement l’identité des hommes et des femmes qui le nourrissent. Ce sont des recours fiables, fidèles, robustes, qui forcent le respect. Sachons nous en inspirer jusqu’à perdre soif ! L’oublier serait un recul funeste… se les rappeler et les placer au cœur du projet, signerait assurément un épanouissement inédit. Comme on le dit ici : « nou tyinbo ansanm, nou larg pa lo kor ! » 1.

            Pour toutes ces raisons, je suis signataire du Manifeste « Oasis Réunion ».

Patrice PAYET

Un Réunionnais qui aime ses racines multiples et qui a confiance

Directeur du Conservatoire d’Espaces Naturels de La Réunion
http://www.reseau-cen.org/fr/la-reunion

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