Soutien de Pierre GEVAERT, pionnier en agro-écologie depuis les années 50, fondateur en 1957 de LIMA producrice d’aliments de culture biologique
De l’agriculture biologique à l'agroforesterie. Un peu d'histoire.
L'agriculture chimique a commencé officiellement en 1960 avec la loi d'orientation agricole dont le but était : introduire l'agrochimie pour pouvoir produire industriellement et exporter un maximum grâce à la chute des prix à payer aux producteurs.
Déboisements rapides et remembrement intensif, fini les haies, les bosquets, les fossés, les aménagements anti-érosifs, fini l’agriculture familiale . Seuls "les exploitants audacieux" capables d'investir dans les machines, les engrais chimiques, les pesticides, et grâce à la bénédiction du Crédit Agricole, purent tenir. L'exode rural était massif et rapide : adieu les savoir-faire, adieu à nos courageux paysans et artisans gardiens de la nature, adieu à la fertilité des sols, adieu aux beaux paysages riches en biodiversité...
Seuls tinrent le coup quelques "résistants" produisant sans l'arsenal chimique et prêts à assumer des récoltes réduites au tiers par rapport aux autres.
Heureusement, dans le même temps, des consommateurs conscients du drame écologique à venir, et quelques acheteurs prêts à payer jusqu'au double du prix officiel, permirent à la culture biologique de s'installer par-ci par-là. Phénomène typiquement français : malgré le consensus sur les principes de base plusieurs écoles se disputent "la meilleure méthode". Après le congrès de Nature et Progrès (1)à Mulhouse, Philippe Desbrosses et Pierre Gevaert, dans le train de retour, expriment leur découragement face à tant d'énergie gaspillée lors de ce congrès. Décision est alors prise de créer un syndicat unitaire pouvant rassembler toutes les tendances. Il s'appellera le Cinab (comité interprofessionnel de l'agriculture biologique). C'est avec cette structure que les deux déjà nommés et Antoine Roig, réussirent par des dizaines de réunions au ministère de l’agriculture à faire homologuer les cahiers des charges de l’AB en 1979 à, et à faire accepter le mot "biologique" comme titre officiel dans la loi sur l'AB votée en 1980. A noter que l'association Nature et Progrès a joué un rôle important sur tout le parcours de la lutte pour faire reconnaitre l'AB. Mais la lutte n'est pas finie, nous perdons encore un temps précieux au niveau des différentes méthodes de culture pour orienter les demandes qui se multiplient dans des sens toujours 100% Bio certes, mais pas assez unifiés.
Cette unité, où peut on la retrouver ? Dans la nature, disons dans la nature telle qu'elle était avant l’ère industrielle : elle était couverte de forêts !
L'arbre est un organisme vivant au même titre que l'animal, il est le gardien de la vie et de sa pérennité. Les arbres se parlent entre eux, ils sont reliés par les filaments mycorhiziens. Leur rôle fondamental est d'assurer les équilibres biologiques et climatiques. La fertilité des sols, la juste distribution des eaux, la biodiversité animale et végétale, la beauté et la durée dépendent d'eux. Un paysage sans arbres est comme une femme sans cheveux ......
Le Gers, belle région à reliefs multiples, est sujet à l'érosion; l'association « Arbre et Paysage » (2)présidée par Alain Canet est occupée à reforester chaque parcelle cultivée. Le syndicat agricole majoritaire s'y opposait jusqu'au jour où des études sur les rendements ont prouvé que, malgré la perte de surfaces occupées par les arbres, les rendements étaient équivalents voire meilleurs. En Afrique noire, les APAF (associations pour la promotion des arbres fertilitaires) (3)réussissent, grâce aux paysans locaux, à planter des millions d'arbres dans leurs champs épuisés par les cultures chimiques. Grâce à Pascal Humbert et Bruno Devresse (de l'APAF France) et Mansour Ndiaye (de l'APAF Sénégal), six pays Sahéliens sont en ce moment concernés.
En Afrique on choisit les arbres de la famille des acacias, ils sont fertilitaires parce qu’ils stockent l'azote de l'air dans les sols, pompent l'eau des profondeurs et solubilisent le phosphore. Ils rendent les sols vivants, faciles à travailler. On plante les arbres tous les dix mètres au carré; en France on choisit les arbres locaux, on les plante tous les 20 mètres au carré.
Conclusion : presque plus besoin de fertilisants y compris le compostage qui se fait surtout en surface par une couverture permanente, plus besoin de beaucoup de sous-solages et les travaux habituels du sol, la terre qui grouille de vie s'en occupe. Oui, le non travail enseigné par Masanobu Fukuoka (père de la permaculture) est possible. (4)
ll y a un banc dans le jardin potager, on va pouvoir contempler et réfléchir sur la nécessité de se rassembler au niveau des "Colibris" initiés par Pierre Rabhi (5), et surtout : s'occuper des communautés villageoises à reconstruire ! telles que décrites dans l'ouvrage : « L'humanité en mal de terre : plaidoyer d'un paysan pour le retour à une civilisation agraire »(6)
Dans cet esprit de re-nouveau et de re-évolution, je soutiens le rassemblement citoyen « OASIS RÉUNION », aussi ambitieux que réaliste, qui vise à éliminer en totalité les fertilisants et traitements issus de la chimie de synthèse en les remplaçant par des savoir-faire traditionnels respectueux de la grande et belle biodiversité qui règne encore sur l'île de La Réunion. L'agroforesterie y aura, bien sûr, toute sa place, pour refertiliser progressivement tous les grands espaces dévolus à la culture industrielle de la canne à sucre.
La Nature nous rappelle toujours à son ordre mais avec, heureusement, beaucoup de générosité et de tolérance.... dès lors que nous n'agissons plus contre elle, mais avec elle.
Pierre Gevaert
Agronome, conseiller en agroécologie, conférencier,
Fondateur en 1957 de l'entreprise Lima productrice d’aliments en culture biologique, et de l'association Sahel People Service
Président d’honneur de l’APAF (Association pour la Promotion des Arbres Fertilitaires, de l’Agroforesterie et la Foresterie)
(1) Fédération Nature & Progrès www.natureetprogres.org
(2) Arbre & Paysage 32 www.ap32.fr
(3) Association pour la promotion des arbres fertilitaires, de l’agroforesterie et la foresterie www.ong-apaf.org
(4) Masanobu Fukuoka (1913-2008) https://fr.wikipedia.org/wiki/Masanobu_Fukuoka
(5) Mouvement Colibris www.colibris-lemouvement.org
(6) L'humanité en mal de terre : plaidoyer d'un paysan pour le retour à une civilisation agraire, Pierre Gevaert, David Stevens (paru en juillet 2017 aux Editions Trédaniel) http://www.editions-tredaniel.com/lhumanite-en-mal-de-terre-p-7312.html