« OASIS REUNION » a pour objectif de tendre vers davantage d’autonomie pour une île très dépendante d’une métropole distante de 10 000 km.
Ce projet est ambitieux, voire utopiste, mais il appartient à la catégorie de ces « utopies réalistes » qui répondent à la citation d’Oscar Wilde : « le progrès est la réalisation des utopies ».
Ce serait assurément un progrès que de répondre - enfin - aux paradigmes d’un développement soutenable définis au Sommet de la Terre de Rio en 1992, globalement plus économe et autonome. Or une île est une entité géographique, politique et socioéconomique qui se prête - et qui nécessite - une telle évolution, devenue indispensable à une cohabitation viable et vivable entre l’Homme et son environnement.
Une telle évolution nécessite que l’économie, surtout lorsqu’elle se « financiarise », cesse d’être prédatrice pour les équilibres naturels et sociaux et se remette au service du vivre ensemble dans un environnement préservé. Maintenir une trop grande dépendance à des aides de toutes sortes, non seulement va à l’encontre d’un développement soutenable, mais favorise la pérennité de l’implantation de lobbies.
Toutes les entités sociétales et tous les domaines d’activités sont concernés par le développement durable dont la boîte à outils s’appelle « Agenda 21 » qui doit s’entendre par « programme d’actions pour appliquer le développement durable durant le 21e siècle » ; son application doit être cohérente, à la fois d’une manière verticale au sein des différentes entités territoriales – pour La Réunion qui est à la fois une région et un département, quel est son agenda 21 ?..., chaque entreprise, établissement scolaire, foyer, pensent-ils et agissent-ils en fonction de leur agenda 21 ?... – que transversale, les principaux dossiers étant ceux de l’énergie, de l’agriculture et de l’alimentation, mais aussi de la santé, des modes de consommation, de déplacement, d’habitat, l’aménagement des territoires, etc.
L’île de La Réunion est un joyau, non seulement pour sa richesse en sites naturels mais aussi pour abriter une cohabitation remarquable, ethnique, culturelle et religieuse, devenue une exception de par le monde. Non moins remarquables sont ses capacités d’autonomie en matière d’énergie et d’alimentation dont je peux témoigner car j’ai pu les constater lors d’un séjour effectué en octobre 2009 invité par la région pour sensibiliser et former des cadres administratifs et le public lycéen aux relations entre la santé, l’environnement et l’alimentation dans la cadre du développement durable.
Sur le plan énergétique, la volonté politique était à l’époque clairement exprimée de tendre vers cette autonomie par le recours diversifié à l’énergie solaire, thermique et photovoltaïque, éolienne, géothermique (embryonnaire à l’époque) ; depuis, ces alternatives aux énergies fossiles ont pris de l’essor cohabitant parfois avec le développement de productions agrobiologiques – en toute cohérence …
Le développement de l’agriculture biologique, qui est au cœur du projet « Oasis Réunion », est porté par une équipe de Réunionnaises et Réunionnais, déjà soutenus par plus de 5000 signatures. Il est coordonné par Bernard ASTRUC dont je peux témoigner du fervent militantisme pondéré mais efficace, et de ses compétences, mis en œuvre pour le développement d’une agriculture et d’une consommation alimentaire équilibrée et bio, en France métropolitaine depuis des décennies, et à La Réunion à plusieurs reprises.
Il a le souci que les pratiques d’agriculture écologique proposées se fassent « dans le respect, le plus possible, des traditions culturales et culturelles propres à La Réunion, telles qu’un certain nombre d’agriculteurs « Péi » s’efforcent toujours de les faire vivre, dans la biodiversité des variétés végétales et des espèces animales propres aux différents territoires et à leurs microclimats, au plus près des Lois de la Nature ».
La Réunion souffre d’une moindre espérance de vie par rapport à la métropole en raison d’une surmortalité par obésité, diabète et maladies cardio-vasculaires (particulièrement chez la femme), pour lesquels la cause prédominante est une alimentation importée et trop raffinée.
L’essentiel du remède pour corriger cet état des lieux sanitaire préoccupant passe par l’alimentation, en majorité non raffinée, avec des produits frais et locaux, selon un meilleur équilibre alimentaire entre produits animaux et végétaux, surtout pour les apports en protéines. Or, il s’agit en fait, « simplement », de revenir à la culture alimentaire réunionnaise qui repose sur la variété des produits de la mer et des élevages de proximité, des fruits et légumes, des variétés végétales riches en protéines et nutriments protecteurs qualifiées de graines dans le « manger créole » (le cirque de Cilaos a bien sa variété de lentilles spécifique, endémique à l’Ilet-à-Cordes) - mais on peut produire sur l’île bien d’autres légumineuses qui, de tous les aliments, sont les plus riches en protéines, en fibres, en nutriments variés, et dont l’index glycémique est très faible, ce qui est protecteur contre les fléaux sanitaires affectant la population réunionnaise.
Ce projet « OASIS REUNION » est très porteur d’espoirs : qu’un territoire riche d’un tel potentiel ne soit plus cantonné aux clichés d’une carte postale pour mieux puiser dans ses ressources propres à satisfaire ses besoins et résoudre ses problèmes et puisse devenir un exemple à faire valoir pour qu’advienne enfin un développement soutenable et … enviable !
Docteur Lylian LE GOFF
Médecin, environnementaliste, Conférencier, membre du comité de pilotage du Plan Régional Santé Environnement (PRSE) de Bretagne, ancien administrateur de France Nature Environnement en charge du dossier OGM, ancien conseiller de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, et conseiller de plusieurs associations bretonnes de protection de la Nature, auteur de plusieurs ouvrages dont " Manger bio c’est pas du luxe " Ed. Marabout (2016).